Bonjour, bienvenue pour l’épisode 5 et premier épisode business !
Parler business est un peu plus loin de la ligne éditoriale technique de ce podcast, mais 100% dans la ligne des questions que j’ai et auxquelles je réponds très souvent. De plus dans mes communautés Ruby, Rails et Web c’est un sujet clé car tout le monde semble vouloir devenir entrepreneur.
Je partais sur une métaphore avec la voiture, mais j’en ai écrit assez pour presque trois épisodes, du coup je vais parler uniquement de l’étape achat aujourd’hui.
Alors voici quelques rappels (forcément incomplets mais on pourra étendre la discussion si ça vous intéresse) sur l’achat de logiciels B2B, c’est à dire par des entreprises, et pas du B2C, par des particuliers.
Quel véhicule pour quel besoin ?
La plupart des voitures suffiront pour un transport de quelques personnes, bagages et meubles.
Pourtant on peut acheter des voitures individuelles ou familiales ; on n’a pas les mêmes besoins pour faire des courses ou un déménagement.
Là encore, beaucoup de logiciels sont suffisamment adaptables pour aller un peu au-delà de leurs usages de départ : pour nous ce serait l’adaptation d’un logiciel sur étagère, ou d’aller un tout petit peu plus loin que prévu en tenue de charge ou en volumétrie par exemple.
Mais parfois on ne peut plus tricher : il faut un camion voire un convoi exceptionnel, ou à l’inverse le poids, la vitesse limite et le prix font que votre camion est l’outil le moins pratique pour ce que vous vouliez faire.
Il semble tout à fait normal de choisir un logiciel en fonction du besoin le plus attendu, et les clients dont on se moque facilement qui demandent à “pouvoir tout faire plus tard quand ils voudront” sans rien prévoir n’aurait jamais fait cette erreur d’appréciation en achetant un véhicule.
De même il n’y a pas de mal pour le vendeur à chercher à connaître votre budget assez tôt : on craint certes que le vendeur vous propose uniquement des voitures de luxe au lieu d’une berline, mais des heures d’explications à comparer toutes les berlines pour voir au final un budget qui vous condamne au vélo ou au métro, n’est pas très productif.
[NOTE : ça a parfois des avantages de se libérer des contraintes, par exemple monétaires : on pourra vous proposer un chauffeur ou de prendre l’avion, ce qu’on se serait interdit avec un budget “normal”, et à l’inverse s’imposer des contraintes, comme éviter de considérer l’avion, peut gagner du temps et… débloquer la créativité !]
Pareil ou différent ?
Il n’y a pas de honte non plus à choisir dans le haut de gamme ou bas de gamme, et vous verrez qu’au final les raisons de l’achat sont souvent similaires : soit un besoin très étudié, soit… comme tout le monde, un achat impulsif pour impressionner les copains. Oui, ça existe dans le monde du logiciel, mais je ne donnerai pas de noms ;)
La leçon plus pragmatique à tirer quand vous faites ce choix : il y a un coût à ne pas faire comme les autres (par exemple choisir l’électrique ou le GPL quand les stations et les expertises sont encore rares), mais il y a aussi un coût à faire comme tout le monde, car vous ne pourrez pas être franchement différent du concurrent si vous avez le même véhicule, alors que vous pourriez jouer sur vos forces si vous aviez un scooter et lui un camion.
Quel genre d’achat ?
Parlons budget. Sur une voiture, il y a de très nombreuses variables sur lesquelles on s’imagine pouvoir intervenir facilement : payer comptant ou récurrent, c’est le choix du plan de financement ; payer sa voiture en leasing, c’est le SaaS (Software as a Service) sauf qu’à la fin il ne vous appartiendra jamais…
… et quelque part votre obligation d’innover et continuer la R&D c’est de s’assurer que régulièrement, vos clients souhaiteront passer aux nouveaux produits qui sont tellement mieux que les anciens. [Attention aux coûts de transition]
Achat impulsif ou longue recherche ? Idem, chaque personne ou entreprise peut décider de faire l’achat d’un logiciel A, et fera tout pour, ou au contraire lister ses fonctionnalités souhaitées X, Y et Z et chercher ensuite le produit qui correspondra le mieux à ses attentes.
Illusion des métriques ? Là encore, les vendeurs vont faire une compétition à grand renfort de 3, 5, 7 places, V6, V8 et autres options de motorisation, nombre d’options et grand renfort de superlatifs comme “suréquipée”. Au final on vous jette de la poudre aux yeux alors que votre besoin était soit de faire attention à la consommation (quand les chiffres annoncés sont exacts) soit, pour reprendre les mots légendaires du cahier des charges de la 2CV : “transporter 4 passagers et 50kg de patates”.
Coûts cachés et transition
Ça semble étrange de faire du logiciel neuf ou d’occasion ? C’est pourtant le choix de beaucoup d’équipes pour savoir si elles vont adapter un ancien logiciel ou lancer une refonte, et les arguments sont similaires : “repartir de zéro” (en oubliant qu’on aura plein d’habitudes à réapprendre), “ajouter une rustine” (en oubliant qu’on est parfois au-delà de tout espoir).
En prime on oublie les périodes de transition : la période sans voiture si la nouvelle arrive un peu tard, et parfois presque pire la période avec deux voitures (mais toujours un seul parking), les rendez-vous à la préfecture pour la carte grise, les changements d’assurance…
Dans le logiciel comme dans la vraie vie, ceux qui l’ont vécu plusieurs fois sont plus prévoyants que ceux qui le vivent pour la première fois, c’est un biais à connaître.
Les dangers de la métaphore
Mais attention : la métaphore nous permet de comprendre rapidement la situation et se poser de nouvelles questions en considérant plusieurs angles, qui semblent évidents dans l’image et qu’on aurait oublié dans le cas réel.
La métaphore a toutefois ses limites, même si elle reste utile pour qu’on puisse se poser la question à chaque fois : est-ce que ma comparaison a toujours du sens ou est-ce que c’est justement le moment de raisonner par opposition.
Ici, la plus grande erreur des patrons, RH, managers… est de croire que toutes les voitures sont identiques. Que l’on peut les ranger par marque, modèle, caractéristiques et qu’elles se valent.
Pour un bête produit physique, ça marche, et on va pouvoir utiliser un process achat genre achat de gros et négociation pour faire baisser le prix. Pour un métier cognitif et des personnes, ça semble illusoire.
Mais on peut rattraper cette erreur : il est impossible de comparer des développeurs et même des humains à des voitures neuves. On arrive chacun avec son historique, on est donc tous (désolé la connotation n’est pas voulue) des voitures d’occasion : on peut et on doit chercher vos forces et faiblesses (vous devriez en parler en entretien).
De même, un changement dans l’équipe a forcément des conséquences. Il est de votre devoir de mettre un maximum en place pour minimiser les risques (tests, documentation etc) mais remplacer un membre d’équipe a forcément plus de conséquences que remplacer une pièce ou changer de voiture.
Et voilà !
Vous voilà un peu mieux armé pour comprendre les achats de logiciel B2B. Je garde un prochain épisode avec la même métaphore, ou comme disait @Phairupegiont sur Twitter, la méta-métaphore, pour parler non des achats mais du métier de développeur et des interactions avec votre manager… ou à l’inverse avec votre équipe.
Merci et à bientôt !